[Test] Spirit of the North 2

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[Test] Spirit of the North 2

Cinq ans après un premier opus discret mais poétiquement marquant, Spirit of the North 2 s’impose comme une tentative audacieuse d’élargir les frontières de son univers. Le studio américain Infuse Studio, en s’appuyant sur le moteur Unreal Engine 5, a voulu donner de l’ampleur à une aventure initialement contemplative et presque muette. L’ambition de cette suite est limpide : proposer une épopée ouverte, plus riche, plus vaste, sans sacrifier cette essence méditative et naturaliste qui avait charmé un public restreint mais fidèle. Une transition délicate, presque périlleuse — comment préserver l’âme d’une œuvre tout en la projetant dans une structure plus ambitieuse ?

[Test] Spirit of the North 2

Dans Spirit of the North 2, nous incarnons une renarde solitaire, réveillée au cœur d’un sanctuaire oublié, guidée par un corbeau aux ailes sombres et à l’œil vigilant. Ensemble, ils doivent restaurer un monde brisé par la corruption d’un ancien shaman, Grimnir, libéré par mégarde lors des premières minutes du jeu. Grimnir, naguère sage, s’est laissé consumer par l’envie, déclenchant une guerre spirituelle contre les animaux-totems des tribus ancestrales. La mission est simple en apparence : retrouver et purifier ces esprits gardiens, restaurer l’équilibre du monde.

Mais ici, pas de dialogues. Tout passe par le silence, les regards, les souffles du vent. Ce monde semble avoir oublié jusqu’au langage. La narration se fait organique, diffuse, enchâssée dans des ruines, des monolithes, et quelques parchemins à déchiffrer. Une invitation au recueillement, à la lecture patiente du paysage.

Spirit of the North 2 s’inscrit dans la veine des jeux contemplatifs comme Journey ou encore The Last Guardian. Mais il flirte aussi avec des mécaniques de progression empruntées à des titres plus exigeants comme Zelda: Breath of the Wild ou les Souls-like, sans jamais en adopter la violence ou la frénésie. Il est unique dans sa manière de conjuguer exploration libre, énigmes légères, absence totale de combat traditionnel et poésie silencieuse.

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Pourtant, il ne parvient pas toujours à faire le lien entre ces influences diverses. Là où Journey brillait par sa pureté minimaliste, Spirit of the North 2 s’encombre parfois de systèmes trop mécaniques. Mais il conserve cette grâce rare de certains jeux qui refusent de nous crier à l’oreille ce que nous devons ressentir.

Le gameplay repose sur trois axes : l’exploration libre d’un monde ouvert, la résolution d’énigmes environnementales et la collecte de runes, de cristaux, et d’objets à équiper. J’ai adoré la sensation de liberté offerte par ces étendues enneigées, ces forêts noyées de brume et ces ruines hantées. Le jeu parvient souvent à faire de la marche une activité méditative.

Mais cette grandeur a un revers : de nombreux espaces sont désespérément vides. Je me suis parfois sentie perdue non par choix, mais par manque d’orientation. Le corbeau-compagnon, censé indiquer la voie, se contente parfois d’un rôle décoratif. Le level design souffre d’un manque de lisibilité, surtout dans les grottes sombres où l’on s’égare facilement.

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L’introduction des “sauts dirigés”, une mécanique qui affiche un curseur bleu lorsqu’un saut est réalisable, est un soulagement… et une frustration. Car en courant, ce curseur disparaît. Résultat : des chutes frustrantes, des morts injustes, et un sentiment d’impuissance.

Graphiquement, Spirit of the North 2 est une peinture mouvante. Les effets de lumière, les textures de neige, les cycles climatiques et les panoramas enneigés m’ont souvent fait m’arrêter pour contempler. Certains levers de soleil sont littéralement à couper le souffle. On sent l’influence du moteur Unreal Engine 5, même si tout n’est pas encore parfaitement optimisé.

Mais le jeu souffre aussi de nombreux défauts techniques : textures absentes, bugs d’éclairage, chutes de framerate, pop-in environnemental… Sur PS5, le mode performance est vivement recommandé, tant le mode fidélité s’accompagne de ralentissements indignes de cette génération. Il y a quand même quelques bugs résiduels. J’ai même eu le malheur de voir mon renard traverser le sol ou rester bloqué dans une paroi invisible.

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C’est ici que le jeu atteint sa pleine puissance. La musique de Pav Gekko est une caresse. Elle épouse les rythmes du jeu, s’élève dans les moments d’émotion, s’évanouit dans les séquences d’exploration. Elle ne se contente pas d’illustrer : elle raconte. Les bruitages sont tout aussi soignés : les pas dans la neige, le souffle du vent, les appels du corbeau, les gémissements de la renarde lorsqu’elle chute — tout participe à cette immersion sensitive.

Chaque instant semble ciselé pour favoriser la reconnexion avec une forme de nature idéalisée, intacte. Un monde où la parole est inutile car chaque pierre, chaque mousse, chaque soupir d’arbre parle déjà pour nous.

Il m’a fallu une vingtaine d’heures pour atteindre la fin, en prenant le temps d’explorer. Les perfectionnistes et chasseurs de secrets y passeront bien davantage. La difficulté reste modérée, mais certains boss m’ont donné du fil à retordre — non pas par leur agressivité, mais par la précision qu’ils exigent dans les énigmes qui les entourent.

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Le système de progression via les runes et les points d’amélioration est plaisant, mais trop superficiel. Quelques choix sont pertinents (réduction des dégâts de chute, augmentation de la durée de planage), mais beaucoup semblent gadgets. La rejouabilité est donc limitée, à moins de vouloir découvrir tous les secrets et lire chaque parchemin.

Oui. Malgré ses maladresses, Spirit of the North 2 est une expérience qui m’a profondément touchée. Ce n’est pas un jeu pour tout le monde. Il ne cherche ni à briller par son action ni à flatter les amateurs de trophées faciles. C’est un jeu pour celles et ceux qui savent s’arrêter, qui aiment marcher sans but immédiat, écouter les silences, ressentir les choses.

Il aurait mérité davantage de polissage. Peut-être un an de développement supplémentaire. Mais il réussit là où bien des AAA échouent : il m’a fait croire en son monde. J’ai ressenti quelque chose. Et cela, dans ce paysage vidéoludique bruyant et saturé, c’est inestimable.

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Spirit of the North 2 est une lettre d’amour à la nature, à l’exploration silencieuse et à l’âme des bêtes. Il trébuche parfois, comme un renardeau maladroit, mais se relève avec grâce, porté par sa musique, sa beauté, et cette étrange impression que, même dans un monde corrompu, il y a toujours une lumière à poursuivre.

J’y retournerai, un soir de pluie, pour revoir ce lac figé dans la glace, ce bosquet couvert de brume. Et écouter, une fois encore, le chant du corbeau. Mais pas ce soir, car ce soir je vais écrire un Aiku dans Ghost of Tsushima.

Article rédigé par Mlle_Krikri

 



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