[Test] Drug Dealer Simulator
Certains jeux naissent dans les marges, loin des grandes licences et des budgets pharaoniques. Drug Dealer Simulator, sorti en 2020 sur PC et porté sur consoles en 2025, est de ceux-là. Développé par Byterunners, un studio polonais dont l’unique obsession semble être la simulation du monde interlope, ce titre n’a d’autre ambition que de nous plonger dans la peau d’un petit trafiquant de quartier, en quête de reconnaissance et de territoire.
Ce qui frappe d’entrée, c’est le minimalisme du catalogue du studio : Drug Dealer Simulator et sa suite. Pas de grande saga, pas de licences à tiroirs. Et pourtant, une communauté fidèle s’est formée autour de ces titres, séduite par une proposition de jeu étonnamment immersive, malgré une technique datée. Si l'on devait comparer, ce serait comme si Papers, Please ou Thief Simulator se mariaient à Breaking Bad dans une ruelle sale.
Le jeu s’ouvre sans fioritures : vous êtes un inconnu sans le sou, parachuté dans un quartier décrépi d'une métropole américaine imaginaire. Votre premier contact, Eddie, membre d’un cartel, vous confie vos premières commandes. À vous ensuite de faire vos preuves : récupérer des cargaisons, couper la marchandise, livrer les clients et élargir peu à peu votre réseau. Le jeu n’a pas de scénario fort, mais une trame émergente : votre ascension vers l’illégalité assumée.
Il y a ici quelque chose de fascinant dans le ton : Drug Dealer Simulator ne moralise jamais. Il expose, simule, propose. On y vit une vie parallèle, où l’on croise des junkies fidèles, des planques en ruine, des sirènes de police et des égouts labyrinthiques. La ville semble figée dans une dystopie urbaine, quelque part entre Judge Dredd et The Wire.
Dans le monde foisonnant des simulateurs – de Powerwash Simulator à House Flipper, en passant par Gas Station Simulator – Drug Dealer Simulator occupe un créneau très particulier. Il ne cherche ni à détendre, ni à faire rire. Il incarne une sorte de business sim underground. Moins abouti que Schedule 1 (un concurrent plus récent, actuellement en accès anticipé sur PC), mais plus riche que nombre de clones Steam bas de gamme.
Il se distingue par sa rigueur : on y découvre le commerce illégal dans sa gestion la plus crue – stocks, marges, risques, clients, pureté du produit.
Le gameplay de Drug Dealer Simulator repose sur un cycle simple mais efficace : commande, réception, découpe, distribution. Ce cycle, assez addictif au départ, devient hélas répétitif à mesure que les heures s’accumulent. Si les premières livraisons m’ont donné l’impression grisante d’un jeu d’infiltration artisanale, la suite s’essouffle. Les missions manquent de variété, et l’absence d’évolution profonde du gameplay rend l’expérience plus mécanique que stimulante.
J’ai adoré l’idée du « cut » – mélanger substances, optimiser les profits – mais l’interface de la table de travail, lente et confuse, a vite douché mon enthousiasme. On jongle entre menus imbriqués pour découper quelques grammes de poudre : une opération fastidieuse, rendue pénible par une interface pensée pour la souris, pas pour la manette.
La navigation dans la ville est également un frein : le personnage est lent, maladroit, presque englué dans l’asphalte. Fuir la police relève de l’exploit, et j’ai souvent préféré livrer en plein jour plutôt qu’affronter le couvre-feu de nuit – un paradoxe ludique qui, sur le moment, m’a amusée, avant de m’agacer.
Techniquement, le jeu est un produit modeste. Les textures sont ternes, les bâtiments semblent copiés-collés, et la palette de couleurs – brun, gris, noir – évoque les jeux de la génération PS3 plus qu’un titre de 2025. Malgré tout, l’ambiance visuelle fonctionne. On se sent dans une ville sale, désabusée, oppressante. Les ombres, omniprésentes, ne sont pas là par hasard : on y vend la mort à la sauvette, on reste dans les coins sombres.
Côté performance, sur PS5, j’ai été agréablement surprise : pas de gros ralentissements, pas de plantages fréquents. Hormis quelques bugs à l’activation de missions (des PNJ absents, des zones vides nécessitant un redémarrage), l’expérience reste stable.
C’est ici que le jeu prend un peu de hauteur. La ville, bien que décrépie, est sonore : radios allumées dans les appartements, sirènes lointaines, pas dans les ruelles. Le jour/nuit est bien géré, et la tension monte clairement à la tombée du soir. Les bruitages, sans être révolutionnaires, ancrent le joueur dans une réalité crasseuse et crédible.
Le jeu ne propose pas de bande-son marquante – pas de musiques qui restent en tête – mais une ambiance sonore cohérente. J’aurais aimé un thème plus identifiable, peut-être quelque chose de sale, de sordide, qui collerait à la nervosité du gameplay.
Une dizaine d’heures suffisent à boucler l’essentiel. Et c’est tant mieux. Le gameplay n’a pas la densité pour tenir davantage sans lasser. Le jeu permet néanmoins une certaine liberté post-fin : continuer à dealer, acheter des planques, optimiser son réseau.
La difficulté repose surtout sur la vigilance : éviter les contrôles, cacher ses stocks, ne pas se faire repérer. Les mécaniques sont bien pensées, même si leur exécution technique pêche un peu. Il n’y a pas vraiment de rejouabilité au sens strict : une fois votre empire bâti, la boucle devient redondante.
Vendu autour de 20€, Drug Dealer Simulator propose une expérience honnête. Ce n’est pas un jeu qu’on recommande pour sa profondeur, mais plutôt pour sa proposition atypique. Il simule une activité peu représentée dans le jeu vidéo avec un mélange de sérieux et de second degré.
Ce n’est pas une perle cachée, mais c’est un jeu de niche qui assume son ADN : austère, lent, répétitif, mais aussi inhabituel, ancré, et à sa manière, fascinant. Pour qui veut un simulateur immersif avec un brin de subversion, c’est un investissement raisonnable.
Drug Dealer Simulator ne fait pas rêver. Il salit les mains, use la patience, assombrit l’écran. Il ne cherche pas l’élégance, mais la rugosité d’un monde parallèle. J’y ai trouvé une forme d’immersion singulière, imparfaite, mais sincère. En tant que joueuse, j’aime ces expériences où l’on teste autre chose. Où l’on ne gagne pas des étoiles, mais des grammes. Où la victoire ne brille pas, mais s’effrite dans un sachet.
À qui s’adresse ce jeu ? Aux curieux, aux explorateurs urbains, aux amateurs de niches. Pas aux esthètes, ni aux stratèges. C’est un jeu d’ambiance plus que d’action, une simulation sociale déguisée en gestion de trafic. Bien mais pas top. A voir ce que vaut le 2 !
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