[Test] Carrier Deck

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[Test] Carrier Deck

Dans la constellation des jeux de gestion militaire, Carrier Deck ne brille pas par une campagne de communication tonitruante ou un nom de développeur à faire frémir les foules. Développé par Every Single Soldier et édité par Slitherine – réputés pour leurs simulations historiques pointues comme Afghanistan '11 –, le titre prend tout le monde à contre-pied en s’écartant des champs de bataille traditionnels pour se focaliser sur une arène minuscule, dense, et pourtant capitale : le pont d’envol du porte-avions USS Ronald Reagan (CVN-76), fleuron de la marine américaine. Sorti dans une relative discrétion, Carrier Deck est un ovni, à la frontière entre le jeu de stratégie en temps réel, le jeu de gestion et… un simulateur de burn-out. Son intention : vous faire incarner l’officier aérien du bord, seul maître à bord des opérations aéronavales, au cœur d’un théâtre de guerre globalisé. Le jeu ne s'embarrasse pas d’un contexte géopolitique défini. Il préfère l’urgence pure, la tension brute. Il n’est pas ici question de savoir contre qui l’on se bat, mais à quel rythme on est capable de survivre au prochain assaut.

Il n’y a pas, dans Carrier Deck, de scénario à proprement parler. Pas de personnages, pas de rebondissements scriptés, pas de dialogues. Juste une voix omniprésente : celle de votre radio. Vos ennemis sont des silhouettes, des menaces codées en rouge, bleu, jaune ou vert – respectivement air, mer, sous-marin et sol. Vos alliés, des avions de guerre et des hélicoptères aux désignations techniques un brin obscures : F-18 Hornet, S-3 Viking, E-2 Hawkeye, MH-60 Seahawk… tous incarnent les outils d’une logique froide et méthodique. L’univers du jeu, s’il est dépourvu de chair, respire l'acier, la vapeur, la routine militaire. Chaque mission – il y en a plusieurs dizaines, plus des modes de jeu libre et de survie – est un ballet frénétique de décollages, d’atterrissages, de maintenance et de décisions immédiates. Il ne s’agit pas ici d’héroïsme, mais d’efficacité. Et dans cette forme d’asepsie ludique se niche une intensité rare.

[Test] Carrier Deck

Carrier Deck n’a pas vraiment de jumeaux. Certes, on peut convoquer Air Traffic Controller Simulator pour le côté coordination aérienne, ou Fights in Tight Spaces pour le rythme stratégique en temps réel, mais aucun ne reproduit cette sensation d’embrasser, au clic près, toute la complexité d’un microcosme militaire en mouvement. Dans le domaine de la gestion/logistique militaire, il évoque parfois les ardeurs chronométrées de Papers, Please ou de Overcooked, mais teintées d’un vernis martial et dramatique. Il y a quelque chose de froidement chirurgical dans Carrier Deck que nulle autre production ne parvient vraiment à égaler.

Le gameplay de Carrier Deck repose sur une simple idée : vous êtes en charge de l'intégralité des opérations aériennes d’un porte-avions en mission. Cela inclut :

  • préparer les avions selon la mission (missiles air-air, torpilles, radars…),
  • les déplacer sur le pont ou dans le hangar,
  • gérer leur ravitaillement et leur armement,
  • surveiller leur état de santé mécanique,
  • et surtout : orchestrer décollages et atterrissages sans provoquer de collisions.
[Test] Carrier Deck

J’ai adoré cette tension permanente, ce rythme effréné où chaque erreur se paie instantanément. Il ne s’agit pas de planifier l’avenir, mais de réagir dans l’instant, avec des doigts agiles et une vision périphérique en alerte. Mais le level design souffre parfois de rigidités frustrantes : les missions doivent être lancées dans l’ordre de leur file d’attente, même si l’avion prêt pour la troisième mission est déjà armé et positionné. De même, les appareils de ravitaillement prennent toujours le pas sur toute autre opération, même lorsqu’un destroyer ennemi est à deux secondes du tir… J’ai trouvé cela inutilement punitif. Cela brise le flow, alors même que le jeu excelle à le créer.

Carrier Deck n’a pas été conçu pour flatter la rétine. Ses graphismes sont clairs, fonctionnels, sans fioritures. Les avions sont bien modélisés, les couleurs codées facilitent la lisibilité, et les mouvements du personnel de pont ou des éléments de la tour de contrôle ajoutent juste ce qu’il faut de vie pour ne pas avoir l’impression de jouer sur une maquette figée. Aucun ralentissement notable, aucune baisse de framerate, même sur des configurations modestes. Toutefois, plusieurs j’ai plusieurs critiques concernant des soucis de caméra parfois inversée, parfois bloquée et une interface mal pensée. Le bug le plus étrange que j’ai rencontré fut un avion refusant de changer de couleur malgré une réaffectation de mission. Rien de dramatique, mais cela souligne un polish technique encore un peu rugueux.

[Test] Carrier Deck

Le sound design est minimaliste, presque austère. Une radio militaire crépite d’ordres codifiés, des moteurs d’avions hurlent sur le tarmac, et des alarmes résonnent dès qu’un ennemi approche ou qu’un avion tarde à atterrir. C’est cohérent avec l’ambiance, mais cela manque cruellement de relief sonore. Pas de bande-son épique, pas de nappes musicales pour souligner la tension ou la réussite. Rien qu’un environnement sonore fonctionnel, efficace, mais sans âme. On aurait aimé un thème orchestral discret, ou des bruits de mer en fond pour étoffer cette immersion si rigoureuse. Cela dit, la sobriété sert aussi la clarté. Dans un jeu où la pression cognitive est permanente, le silence peut être un allié.

Chaque mission dure entre 5 et 15 minutes. Cela semble court… mais l’intensité est telle que le jeu se savoure par petites bouchées. Terminer la campagne prend 3 à 4 heures en ligne droite, mais obtenir les 5 étoiles (ce qui impose zéro dommage sur le porte-avions et aucune perte) relève du défi redoutable. J’ai trouvé les derniers niveaux haletants, au point de relancer certaines missions dix fois de suite pour perfectionner mes enchaînements. Le mode survie apporte une forme de « new game + » en injectant une difficulté croissante jusqu’à la rupture. Il ne s’agit plus alors de gagner, mais de durer. Et le mode « quick game », aléatoire, prolonge encore l’expérience pour celles et ceux qui maîtrisent l’écosystème du jeu et veulent tester leurs réflexes dans un environnement imprévisible.

[Test] Carrier Deck

À moins de 10 euros, Carrier Deck est une affaire. Certes, il ne conviendra pas à tout le monde. Il n’a ni scénario, ni esthétique flamboyante, ni personnalisation poussée. Mais il propose une expérience unique, tendue, exigeante, addictive. Si vous aimez les jeux de gestion en temps réel, où chaque seconde compte et chaque erreur se paie cher, vous serez comblé. Si vous êtes du genre contemplatif, amateur de narration ou de stratégie lente, passez votre chemin.

Carrier Deck est un jeu que je n’aurais jamais pensé aimer. Et pourtant… Le sentiment de maîtrise qu’il procure, cette sensation grisante d’avoir triomphé du chaos avec calme et méthode, m’a profondément marquée. C’est une ode discrète à la discipline, à la gestion de crise, au sang-froid. Un jeu d’équilibriste, où l’on apprend à danser avec les contraintes plutôt qu’à les contourner. Dans sa sobriété, Carrier Deck atteint une forme de pureté ludique. Il ne parle pas, il agit. Il ne séduit pas, il s’impose. Et c’est peut-être cela, sa plus belle victoire.

Article rédigé par Mlle_Krikri

 



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