[Test] Bartender Hustle
Le monde du travail s’invite régulièrement dans le jeu vidéo. Bartender Hustle vous plonge dans la peau d’un mixologue. Après les fermiers, les conducteurs de bus et les chirurgiens, c’est au tour des barmans d’être mis à l’honneur dans Bartender Hustle, un simulateur narratif développé pour les amateurs de mixologie — ou ceux qui veulent juste secouer des shakers en rythme. Le résultat ? Une expérience malheureusement aussi séduisante qu’inaboutie, entre zen et zapping, cocktail à moitié réussi.
J’ai adoré son ambiance, parfaitement dosée comme un cocktail. En effet, Bartender Hustle nous plonge dans la peau d’un jeune barman ambitieux, gravissant les échelons du métier dans cinq bars aux atmosphères variées. D’emblée, le jeu brille par son ambiance soignée. L’atmosphère sonore, feutrée mais dynamique, évoque les bruissements d’un bar chic, les verres qui tintent et les conversations étouffées. L’immersion est là, même si l’esthétique graphique reste sommaire : fonctionnelle, propre, mais sans réelle personnalité visuelle. Pas de néons cyberpunk à la VA-11 Hall-A (Un petit chef-d’oeuvre du genre que je vous recommande et qui est en promo sur Steam en ce moment), juste un design épuré, presque clinique.
Le cœur du gameplay repose sur la préparation de cocktails. Plus de 90 recettes, des grands classiques (Martini, Manhattan et j’en passe…) aux créations plus modernes (mais il n’y a pas la bière romulienne : Scandale !). On mesure, on verse, on agite, on garnit. Et franchement, c’est là que le jeu séduit. Les commandes sont intuitives, les visuels lisibles, les feedbacks précis. Pour un joueur aimant l’ordre, la rigueur, la logique des gestes, c’est un petit bonheur. J’ai pris un plaisir inattendu à faire un mojito parfait à la seconde près, ou à aligner cinq commandes dans le feu de l’action du mode Arcade.
Le jeu propose deux approches : un mode Arcade, assez frénétique, où les clients affluent comme un vendredi soir à l’heure de pointe, et un mode Bac à sable, plus lent, parfait pour tester les recettes et affiner ses gestes. Le contraste entre les deux est bienvenu. Le premier vous met en sueur — la concentration est maximale, et chaque seconde compte. Le second est presque méditatif, et j’y ai passé plus de temps que prévu, à perfectionner mes créations sans pression aucune.
Mais cette dualité révèle aussi une faiblesse : passé l’apprentissage, l’enjeu s’étiole. Le challenge est bien là, mais une fois la boucle de gameplay maîtrisée, l’adrénaline cède la place à une routine. Le plaisir de jouer devient mécanique, et l’excitation s’émousse.
Le jeu se présente comme un "simulateur narratif". C’est probablement sa plus grosse promesse non tenue. Oui, il y a un mode histoire. Oui, vous changez de bar, vous rencontrez des clients, vous montez en grade. Mais la narration tient sur un post-it : pas de vrais dialogues, pas de personnages marquants, pas d’enjeux scénaristiques. On sent que les développeurs lorgnaient du côté de VA-11 Hall-A, ce chef-d’œuvre où chaque cocktail préparé ouvre la porte à des confidences humaines, sombres ou drôles. Ici, les clients sont des silhouettes interchangeables, avec des goûts, mais sans âme.
Je n’attendais pas un visual novel non plus, mais un minimum d’âme, un peu de chaleur humaine, aurait donné une vraie profondeur à l’expérience. Le fait que la campagne principale se termine en à peine trois heures n’arrange rien. On reste sur sa faim enfin… sur sa soif. Et c’est là que le bât blesse. Car Bartender Hustle aurait pu être grand. La base est solide : mécaniques claires, maniement fluide, apprentissage plaisant, montée en compétence gratifiante. Il y a même un petit système de personnalisation de l’appartement du personnage, d’amélioration de l’équipement, un zeste de progression économique… Mais tout semble sous-développé. Les à-côtés — nettoyage, réparations, gestion des stocks — sont anecdotiques. Les relations humaines sont absentes, ce qui est un comble. Et quand on atteint le cinquième bar, on n’a qu’une envie : qu’il y en ait un sixième, puis un septième, pour voir le concept décoller… Mais non. J’ai trouvé la mécanique trop répétitive…
Le jeu ne coûte qu’une quinzaine d’euros sur Steam, et son accueil est globalement positif (83% d’avis favorables). Et je le comprends. Il y a une vraie satisfaction à enchaîner les commandes, à reproduire un geste parfait, à sentir qu’on progresse. Mais c’est un plaisir éphémère, sans lendemain. Un peu comme un cocktail parfaitement dosé, qu’on savoure avec bonheur… mais qu’on oublie aussi vite qu’il a été bu.
Pour les amateurs de mixologie, pour ceux qui veulent se détendre sans prise de tête, Bartender Hustle est une belle petite surprise, avec un catalogue impressionnant. Mais pour ceux qui attendent un jeu avec du cœur, une narration qui saisit, ou un challenge durable, il manque quelques ingrédients dans le shaker.
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