[Test] Kinki Spiritual Affairs Bureau

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[Test] Kinki Spiritual Affairs Bureau

Kinki Spiritual Affairs Bureau est un jeu d’action-aventure narratif à la troisième personne qui surprend dès les premières minutes par l’étrangeté de son univers et la nature hybride de son propos. Il place le joueur dans la peau de Mizuki Shiraishi, une fonctionnaire du gouvernement japonais affectée à la gestion des affaires spirituelles, une institution fictive mais crédible dans ce monde alternatif où les fantômes sont traités comme des phénomènes administratifs. L’enquête débute dans un village reculé de la préfecture de Nara, isolé du réseau, envahi par des entités surnaturelles, et vidé de ses habitants. Ce point de départ classique pour un récit d’horreur se développe rapidement en une intrigue plus vaste, mêlant événements paranormaux, manipulations politiques, souvenirs enfouis et confrontation avec une réalité que Mizuki croyait maîtriser.

Le scénario prend un chemin inattendu. Il évite les clichés attendus du genre en s’appuyant sur une écriture qui mêle ironie, satire sociale et tension dramatique. L’ambiance oscille constamment entre le sérieux et l’absurde. Des éléments graves comme la disparition d’une population entière ou l’abus de pouvoir étatique côtoient des situations totalement décalées, où l’humour noir et le grotesque prennent le dessus. Cette double tonalité donne au jeu une identité singulière, difficile à classer. Mizuki n’est pas une héroïne classique : elle est sarcastique, épuisée, parfois cynique, et sa relation avec ses collègues, notamment via les communications radio, révèle un sous-texte relationnel plus riche qu’il n’y paraît. Le jeu parvient à aborder des thèmes lourds tout en maintenant une certaine légèreté dans le ton, ce qui permet de garder l’intérêt éveillé, même lors de séquences plus verbeuses.

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Sur le plan du gameplay, l’expérience repose sur une alternance entre phases d’exploration, moments narratifs et combats contre des entités spirituelles. Le joueur navigue dans des environnements linéaires, souvent sombres et étroits, conçus pour évoquer l’isolement et la claustrophobie. L’architecture des lieux visités, entre maisons traditionnelles abandonnées, ruelles rurales noyées dans la brume et installations industrielles désaffectées, participe à l’immersion. Les combats sont sporadiques mais structurants, avec un système de tir assez basique, basé sur des armes à feu récupérées ou fournies en mission. L’absence de visée assistée et la rigidité des animations rendent les affrontements peu dynamiques, parfois maladroits, mais ils remplissent leur rôle de ponctuation rythmique dans un jeu avant tout narratif. Des phases de discrétion ponctuent l’aventure, bien que celles-ci ne bénéficient pas de mécaniques poussées. Elles consistent davantage à éviter le regard des ennemis qu’à mettre en place une réelle stratégie.

La progression est très linéaire, découpée en dix chapitres qui s’enchaînent dans un ordre fixe, chacun centré sur une portion de l’intrigue et un lieu distinct. Il n’y a pas de carte, pas d’objectifs secondaires, ni de système d’expérience ou d’amélioration. Cette structure minimaliste est en cohérence avec la nature fortement scénarisée du titre. L’accent est mis sur l’avancée du récit, et chaque niveau se termine par une cinématique importante ou une révélation. Ce choix de conception évacue volontairement toute ambition de gameplay complexe au profit d’un rythme proche de celui d’une série interactive, où chaque épisode propose son décor, sa confrontation, et ses dialogues clés. La prise en main est immédiate, intuitive, mais le jeu ne cherche pas à surprendre par ses mécaniques, misant tout sur l’univers et la narration.

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L’ambiance visuelle est l’un des éléments les plus marquants de l’expérience. Bien que techniquement modeste, le jeu parvient à dégager une vraie personnalité grâce à sa direction artistique. Les décors sont simples mais efficaces, avec une palette de couleurs désaturées, des effets de brume, des jeux d’ombres et des lumières clignotantes qui créent un sentiment constant d’instabilité. Le choix de lieux ruraux abandonnés, de temples cachés dans la végétation et de zones industrielles désuètes renforce l’impression d’un monde oublié par le progrès. Les esprits, quant à eux, sont représentés de façon assez variée, allant de formes vaguement humaines à des silhouettes grotesques, parfois armées, qui rompent avec la représentation traditionnelle des yūrei. Ce mélange volontaire entre folklore et absurdité technologique donne au bestiaire une étrangeté bienvenue.

Sur le plan sonore, l’expérience est plus inégale. La bande originale est quasi absente, laissant souvent place au silence ou à des sons d’ambiance discrets. Ce parti pris peut renforcer l’immersion dans certaines séquences, mais il dessert d’autres moments qui gagneraient en intensité avec une musique plus marquée. Les effets sonores sont fonctionnels mais peu marquants, tandis que l’absence de doublage vocal affaiblit parfois l’impact émotionnel de certains dialogues. Tout passe par le texte à l’écran, et bien que l’écriture soit de qualité, un accompagnement vocal aurait permis de renforcer l’incarnation des personnages. L’ambiance sonore, bien que suffisante, reste donc minimaliste, un choix qui peut être vu comme volontairement sobre ou comme une limite budgétaire selon l’interprétation du joueur.

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En termes de durée de vie, le jeu propose une aventure compacte qui peut être complétée en six à huit heures, selon le niveau de difficulté choisi et le temps passé à explorer. Il ne propose ni contenu annexe, ni missions alternatives, ni système de progression. Une fois l’histoire terminée, peu d’éléments incitent à la rejouer, hormis le plaisir de redécouvrir les dialogues avec un regard plus informé. L’absence de fins alternatives ou de choix narratifs limite encore cette rejouabilité. Ce choix affirmé de proposer un contenu dense mais contenu est à la fois une force - car il évite les longueurs inutiles - et une faiblesse pour ceux qui attendent une expérience plus ouverte ou évolutive.

Ce qui fait la véritable originalité du jeu, c’est son ton volontairement provocateur, parfois absurde, toujours empreint d’un humour noir maîtrisé. L’écriture n’hésite pas à briser les codes du genre, à mêler des discours administratifs absurdes à des scènes de violence graphique, ou à introduire des dialogues volontairement déplacés dans des contextes graves. Ce contraste crée un effet de surprise constant et donne au jeu une véritable signature. Ce n’est pas un titre qui cherche à faire peur de façon traditionnelle. Il veut déstabiliser, faire sourire, grincer, et parfois choquer. Il s’adresse à un public qui accepte que la narration prenne le pas sur le gameplay, que la forme l’emporte sur la mécanique, et que l’inconfort fasse partie intégrante de l’expérience.

[Test] Kinki Spiritual Affairs Bureau

En définitive, Kinki Spiritual Affairs Bureau est un jeu qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui assume pleinement ses choix. Il propose un univers original, une écriture singulière et un ton unique, à mi-chemin entre le thriller bureaucratique et le conte grotesque. Ses limites techniques, son gameplay rigide et sa linéarité assumée en feront fuir certains. Mais pour les joueurs curieux, amateurs d’expériences narratives atypiques, volontiers provocatrices et délicieusement étranges, il constitue une proposition rare, presque inclassable dans le paysage vidéoludique contemporain. C’est un jeu à découvrir non pas pour ce qu’il propose en termes d’action ou de performance, mais pour ce qu’il ose en matière de ton, d’univers, et d’approche narrative.

 



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