[Test] The book of Aaru
Il y a des jeux qui vous happent dès les premières secondes, non pas par un feu d’artifice graphique ou une bande son tapageuse, mais par un silence. Une lumière. Une atmosphère particulière. The Book of Aaru est de ceux-là. Pas un blockbuster, pas un énième rogue-like ou open world. C’est un voyage, une traversée. Un passage. C’est MA-GIQUE. On y entre comme on pénètre un temple oublié, les pieds nus, le cœur suspendu. On ne sait pas très bien ce qu’on vient y chercher – une réponse peut-être, un pardon, une lumière dans le désert de nos fautes. Honnêtement, si vous n’avez pas encore compris que j’ai craqué pour ce jeu… Pas la peine de lire la suite !
Le jeu, fruit d’un studio indépendant passionné, puise dans la mythologie égyptienne pour en faire une matière vivante, mouvante, personnelle. Aaru, le paradis des anciens, devient ici un labyrinthe métaphysique, un lieu fait de sable, d’eau, de lumière et de mémoire. C’est à dire un contenu très riche, vérifié, parfois interprété mais toujours magnifique et parfaitement mis au profit du jeu.
On incarne une âme sans nom, égarée entre deux mondes, à la recherche de sa vérité. Pas de combat, pas d’inventaire d’armes, mais des énigmes, des voix lointaines, des épreuves symboliques. Il faut mériter sa place. Il faut, surtout, comprendre. Le gameplay est sobre mais jamais pauvre : tout est affaire de perception, de logique, de patience. J’ai été fascinée par la manière dont chaque environnement raconte quelque chose qui me touche, m’interpelle. C’est un jeu qui ne parle pas, mais qui vous regarde vous parler à vous même dans une introspection artistiquement bien conduite.
Artistiquement, The Book of Aaru est somptueux. Loin du réalisme, il embrasse l’abstraction symboliste. La lumière y a une texture. L’eau y chante. Le sable y pleure parfois. On sent l’influence de peintres mystiques plus que de graphistes numériques. La direction artistique est une pure merveille. Bon, techniquement, il y a quelques heurts – un ou deux bugs, des baisses de framerate par moments – rappellent que l’on est dans un jeu indépendant, mais rien de rédhibitoire. On pardonne beaucoup à un jeu qui a une âme.
La musique m’a accompagnée comme une prière. Des instruments anciens, des voix lointaines, des silences pleins. Lena Aouad, la compositrice, a su faire résonner l’invisible. C’est rare, un jeu où le silence est aussi important que les notes. Ici, chaque son semble pesé, sacré. L’ambiance générale en devient méditative, presque mystique. On joue, mais on contemple surtout. On se laisse porter.
La durée de vie est raisonnable mais relativement réduite avec une dizaine d’heures. Mais ces heures de jeu sont d’une densité rare. Chaque pas compte. Chaque regard posé sur une fresque murale, une statue, une pierre couverte de hiéroglyphes a un sens. Et on se régale à observer, analyser. Le jeu vous parle, mais en symboles. Et s’il se rejoue – car plusieurs fins sont possibles – c’est avant tout pour ressentir autre chose, pas pour collecter ou “optimiser”. Ici, le voyage compte plus que l’arrivée.
Ce n’est pas un jeu pour tout le monde. Les amateurs d’action effrénée passeront leur chemin. Mais celles et ceux qui aiment les récits intérieurs, les mythes transfigurés, les quêtes qui parlent à l’âme plus qu’au score, trouveront dans The Book of Aaru une œuvre à part. Pour moins de 25 euros, c’est une offrande. Un cadeau que l’on se fait à soi-même.
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