[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

#Tests jeux PS5

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

En 2019, Death Stranding surgissait comme un ovni vidéoludique, à mi-chemin entre la performance d’acteur, le jeu de simulation logistique et le manifeste philosophique. Kojima, libre de ses chaînes chez Konami, y exprimait sa vision d’un monde brisé où l’humanité ne pouvait se sauver qu’en se reconnectant. Un postulat prophétique, quelques mois avant la pandémie mondiale.

L’œuvre, clivante, fut d’abord mal comprise. Puis aimée. Passionnément. Et, en 2021, un Director’s Cut vint corriger certains déséquilibres de gameplay tout en approfondissant la proposition initiale. Aujourd’hui, Death Stranding 2 n’est plus une suite par défaut, mais un prolongement organique, voulu, mûri, habité d’une émotion plus dense encore.

Ce second volet, annoncé dans un silence épais puis dévoilé par fragments cryptiques, s'inscrit dans la continuité d'une saga qui refuse les chemins balisés. Kojima semble davantage alchimiste que concepteur : il mêle cinéma, philosophie, biologie quantique et tragédie humaine avec un sens du rythme inégalé. Loin de se contenter de capitaliser sur un succès critique, il propose une expansion de son univers, où les connexions se font non plus seulement entre les lieux, mais entre les mémoires, les esprits, les douleurs.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

Onze mois après les événements du premier jeu, Sam Porter Bridges s’est retiré au sud des États-Unis, dans un désert paisible et aride, où il élève Lou, la fillette autrefois enfermée dans une capsule BB. Cette tranquillité ne dure pas. Fragile (Léa Seydoux), désormais capitaine d’un vaisseau sous-marin baptisé la DHV Magellan, vient lui proposer une nouvelle mission : étendre la Chiral Network jusqu’au Mexique, puis à l’Australie.

Mais tout cela n’est qu’un prétexte. Ce que Kojima nous donne à vivre est un voyage intérieur. Une odyssée du deuil, de la mémoire, de la perte. Chaque personnage porte une blessure. Rainy, la jeune enceinte aux pouvoirs liés à la pluie. Tomorrow, élevée dans la violence mais curieuse de beauté. Dollman, thérapeute nomade. Tous embarquent sur la Magellan et forment une constellation fragile, une famille improvisée où l’on se soutient comme on peut, entre deux tempêtes.

Le monde qu’ils traversent n’est pas seulement géographique. Il est aussi mental, métaphysique. Les plages, lieux-limites entre la vie et la mort, deviennent ici les scènes d’un théâtre plus cruel encore : celui de nos désirs inavoués, de nos choix trahis, de nos espoirs en cendres. Kojima n’écrit pas une histoire. Il bâtit un mythe contemporain, où chaque pas est un vers d’un poème tragique.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

Qui ose comparer Death Stranding 2 à autre chose ? Peut-être à Outer Wilds pour la curiosité cosmique, à Red Dead Redemption 2 pour la lenteur assumée, ou à NieR Automata pour la densité symbolique. Mais aucun n’égale cette mise en scène d’une humanité effilochée au bord du gouffre, entre l’intime et l’absolu.

Death Stranding 2 refuse la logique de l’industrie. Il n’imite pas. Il ne s’adresse pas aux foules, mais à chaque joueur, individuellement, dans un murmure. Il se tient à l’écart, comme un ermite dans la montagne, attendant qu’on vienne jusqu'à lui. Et ceux qui le font, le font par besoin, pas par mode.

Aucun jeu ne mêle avec tant de finesses l’action, la contemplation, la douleur et le lien. Là où la concurrence répète des recettes, Kojima déconstruit les attentes. Il détourne les codes du AAA pour proposer une expérience presque artisanale, lente, méditative, où chaque outil n’a de sens que par son usage sensible.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

Kojima a écouté. Et répondu. Le gameplay est désormais plus fluide, plus varié. La logistique existe toujours — livrer, escalader, optimiser ses trajets — mais enrichie d’une dimension tactique assumée : infiltrations à la Metal Gear, combats plus nerveux, véhicules plus maniables, arsenal plus riche, progression personnalisable via l’arbre APAS.

Les batailles contre les EPs (entités surnaturelles) offrent un plaisir visuel et mécanique : cordons ombilicaux à trancher, boomerangs hémoglobiniques, affrontements kaiju presque grotesques et jubilatoires. On peut fuir, ou choisir de faire face. Et même choisir de ne pas jouer certaines séquences trop dures, dans une logique de liberté totale accordée au joueur.

Ce que j’ai adoré : la variété d’approches, la fluidité de la navigation, la sensation de “contrôle poétique”. La créativité des outils, la réponse des environnements aux décisions prises. D’ailleurs, j’ai trouvé que recourir à la violence par un assaut armé frontal était bien moins punitif qu’avant ! Ce que j’ai moins aimé : certains combats perdent de leur impact émotionnel par leur aspect trop cinématique. La tension de l’imprévu se dilue parfois dans le spectaculaire. Par ailleurs, certaines mécaniques restent obscures ou trop contextuelles pour être pleinement exploitées.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

Graphiquement, Death Stranding 2 est une claque absolue. Le moteur Decima, déjà remarquable dans Horizon, tutoie ici les cimes : paysages photo-réalistes, météo dynamique, textures à pleurer, visages transfigurés par le motion capture. Chaque cinématique est un court-métrage. Chaque panorama un tableau. Chaque pluie une douleur.

Mais plus encore que le réalisme, c’est la direction artistique qui frappe. Le jeu ne cherche pas la beauté gratuite. Il peint un monde blessé, abîmé, ravagé par les pertes, les regrets, les guerres silencieuses. On ne contemple pas les paysages : on les habite, on les endure, on les traverse comme on traverserait une peine.

Sur PS5, le jeu tourne de manière fluide avec très peu de ralentissements pour ne pas dire aucun. Et l’univers sonore — spatialisation 3D, souffle, vents, effets aquatiques — est d’une richesse rare. Il donne chair au silence. Seuls quelques bugs de collision ou de placement de caméra dans des espaces restreints rappellent que même les chefs-d’œuvre sont faits d’imperfections humaines. J’adore vraiment ce changement de décors et d’ambiance.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

La bande-son mérite une mention d’honneur. Le retour de Low Roar et Silent Poets, la participation de Woodkid (son morceau Minus Sixty One est inoubliable), l’ajout de morceaux personnalisables en jeu : chaque note devient un compagnon invisible de voyage.

La musique ne souligne pas l’action, elle l’habite. Elle en est l’écho. Elle fait vibrer les décisions les plus infimes, les réminiscences, les choix silencieux. Dans un jeu où les mots se font rares, la musique devient langage, lien, poignée de main, regard prolongé entre deux absents.

Certains morceaux résonnent comme des prières. Des oraisons funèbres pour une humanité en déshérence. La bande-son devient alors une mémoire : on la fredonne en marchant, on l’attend, on l’espère. Et quand elle surgit, elle nous arrache le souffle.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

Comptez une cinquantaine d’heures pour la trame principale. Et bien plus si vous vous perdez volontairement dans les missions secondaires, la reconstruction d’infrastructures, ou les interactions asynchrones avec les autres joueurs. Car oui, on retrouve ce système communautaire où les structures laissées par d’autres deviennent les vôtres. Une forme de coopération fantomatique, d’entraide invisible, bouleversante de simplicité et de générosité.

La difficulté s’ajuste à votre manière de jouer. La neige, les rivières, les chutes... autant de dangers qui exigent attention, adaptation. La question n’est plus "pouvez-vous gagner ?", mais "souhaitez-vous continuer ?".

Mais surtout, la rejouabilité de Death Stranding 2 ne repose pas sur des embranchements multiples ou des fins alternatives. Elle repose sur le chemin lui-même. Sur la manière dont vous décidez de traverser le monde. Marcherez-vous vite ou lentement ? Aiderez-vous les autres ou avancerez-vous seul ? Le jeu ne juge pas. Il enregistre. Et les autres constatent… J’adore ce concept !

Oui. Mille fois oui. Si vous l’avez pas compris à me lire, vous ne le comprendrez jamais… Mais à condition d’être prête à l’écouter, à l’aimer sans le comprendre, à cheminer avec ses ombres. Death Stranding 2 n’est pas un jeu à consommer. C’est une œuvre à vivre, à digérer, à repenser des jours plus tard. Loin des modèles économiques classiques, il offre un rapport qualité/prix fondé sur la densité émotionnelle et la richesse du message.

[Test] Death Stranding 2 : On the Beach

Ce jeu est une lente révolution. Il ne répond pas aux lois du marché, il ne flatte pas le besoin de dopamine instantanée. Il exige du temps, de la solitude, du doute. Et c’est dans cette exigence-là qu’il justifie chaque euro, chaque soir passé à marcher dans la tempête.

La question, imprimée sur les affiches du jeu, résonne longtemps après l’écran noir. Avions-nous raison de nous connecter ? Avions-nous raison de marcher jusqu’à l’autre ? De nous exposer à la douleur ? Death Stranding 2 ne donne pas de réponse. Mais il nous invite à regarder la mer. À regarder l’autre. Et à recommencer.

Dans la boue, la pluie et le sel, Kojima a déposé un chef-d’œuvre. Peut-être le plus intime. Certainement le plus humain. Peut-être aussi, le plus indispensable dans un monde qui oublie de marcher lentement. Et franchement, ça n’a pas de prix. Je suis pas une fan absolue de Kojima, mais là, il faut reconnaitre que DS2 est un pure chef d’œuvre.

Article rédigé par Mlle_Krikri

 



Commenter cet article